Dynamique ou Statique ?

Le concept est simple !

La notion de routage dynamique ou statique illustre la manière dont une table de routage d’un routeur est construite. Il existe deux grandes méthodes :

  • le routage statique : un administrateur réseau va initialiser à la main toutes les tables de routage des routeurs du réseau. Il établit au préalable une politique de routage puis va saisir sur chaque routeur les « entrées » que nous avons décrites précédemment.
  • le routage dynamique : les routeurs vont se débrouiller tous seuls pour construire leurs tables de routage. Ils vont discuter entre-eux grâce à des protocoles, les fameux protocoles de routage. On pourrait penser qu’il n’y a plus rien à faire pour l’administrateur ! Heu … Pas vraiment ! C’est un peu comme Windows, c’est « plug and play », mais rien ne vaut un peu de matière grise et des petits doigts agiles derrière !

Mais le choix est complexe !

J’en vois dans le fond qui ricanent et classifie les administrateurs comme courageux s’ils implémentent un routage statique (ou fous selon les cas !) et comme fainéants (ou avisé selon les cas) s’ils implémentent un routage dynamique ! En vérité cela n’a pas grand chose à voir ! Pour faire un choix, il faut prendre en compte quelques critères. Ce chapitre relève plus de la conception de réseau que d’une explication sur les différences techniques entre les deux méthodes, pour la simple raison que sur un plan technique tout a été dit dans le paragraphe précédent. Il est plus intéressant d’étudier les facteurs qui peuvent amener à un choix plutôt qu’à un autre …

Quelle taille fait le réseau ?

Pour un réseau de grande taille il semblerait plus judicieux de mettre en place un routage dynamique qui évite de devoir initialiser les tables de routage de chaque routeur. Cependant il sera tout de même nécessaire d’initialiser les protocoles de routage ! Au-delà de l’initialisation, l’avantage est surtout que si le réseau change de topologie (suppression, déplacement ou ajout de sites ou réseaux IP), il ne sera pas nécessaire de remanier toutes les tables de routage.

Est-il nécessaire qu’un site distant sache si un autre site n’est plus présent ? Quels sont les débits des liens ?

Il est également possible de minimiser la bande passante utilisée pour rien : en effet, avec un routage dynamique, si un site devient inaccessible, l’information est remontée dans le réseau vers tous les autres sites. Ceux-ci n’émettront plus de paquets vers ce site jusqu’à ce qu’ils reçoivent une information selon laquelle le site est de nouveau opérationnel. Dans un routage statique, l’information n’étant pas remontée, les sites continuent d’émettre pour le site hors service, les paquets utilisent la bande passante du réseau pour ne finalement pas aboutir !

Quand les liens d’interconnexion des routeurs présentent des bandes passantes restreintes ont pourrait donc être tenté de mettre en place un routage dynamique pour s’affranchir de ce problème.

Mais attention, ce gain apparent sur la bande passante est un leurre ! Car les protocoles de routage générent eux-mêmes du trafic ! En effet pour construire leurs tables de routage, ils émettent des mises à jour (updates). Ces « updates » utilisent une bande passante en continu dans le réseau. Alors ? Vaut-il mieux utiliser abusivement mais occasionnellement la bande passante en cas de défaut d’un site, ou utiliser cette bande passante en continu par les protocoles de routage ? J’entends des neurones qui s’entre-choquent et des dents qui claquent …

Par expérience, il est plus pénalisant pour la bande passante d’implémenter un protocole de routage que de mettre en place un routage statique. Donc si vous avez de très petites bandes passantes (de moins en moins fréquents depuis la chute impressionante du prix du Kilo bits par secondes) mettez en place un routage statique.

Mais la bande passante n’est pas l’argument le plus pertinent …

Quel type de support utilise le réseau ?

Voici une vraie, bonne question ! Votre réseau utilise-t-il un support de type RNIS ou réseau commuté facturé à la durée ? Utilise-t-il un réseau support de type X25, facturé au volume ? Si votre réseau utilise ce type de support, vous avez tout intérêt à mettre en place un routage statique. En effet, nous avons signalé que les protocoles de routage dynamique émettent des updates en continu (en fait ils émettent des mises à jour à intervalles réguliers, appelés Hello-time). Vous risquez donc d’activer les connexions de vos supports commutés pour écouler ces updates, ou d’émettre des paquets X25 véhiculant ces updates. Dans les deux cas vous serez facturé (à la durée ou au volume) et la facture risque d’être très lourde à la sortie.

Par contre dans le cas de support dits permanents (LL, réseaux LAN, satellites, etc.) cette contrainte n’apparaît pas.

Quelle est la topologie générale du réseau ?

Il existe différentes manières de construire un réseau. La conception doit prendre en compte :

  • des critères techniques : obligation d’interconnexion directe des sites, débits nécessaires pour les applications, position des serveurs et des clients, délais de transit maximum supportés par les applications, capacité d’évolution, etc.
  • des critères de qualité de service : disponibilité globale du réseau, disponibilité des sites, options de secours, délais de relève en cas de dérangement, capacité de reconfiguration, etc.
  • des critères financiers : coût de revient du réseau (installation et coûts récurents), coûts d’exploitation et maintenance éventuels (souvent inclus dans le récurent du fournisseur), coûts des évolutions (modification, ajoûts de sites), etc.
  • et d’autres critères plus subjectifs comme : la technologie support (coté high-tech auquel sont parfois sensibles certains clients), une volonté politique visant, par exemple à placer le site central à un endroit plutôt qu’à un autre, etc.

Ces différents critères vont influencer la conception et vont déterminer la topologie du réseau. On abouti généralement à quatre formes principales :

  • la topologie « hub and spoke » : tous les sites secondaires sont interconnectés à un site central de concentration qui héberge toutes les ressources informatiques.
  • la topologie « hiérarchique » : les sites sont classifiés en plusieurs catégories ou niveaux. Le réseau présente des points de concentration intermédiaires. Par exemple, une banque va regrouper toutes ses agences régionales sur une direction régionale, puis ces directions seront elles-mêmes concentrées sur un site central national. Pour un réseau international ces différents sites centraux nationaux pourraient également être concentrés sur un site international, etc.

 

 

  • la topologie « backbone » : on crée un réseau d’interconnexion central entre différents sites principaux. Les sites sont maillés entre-eux et forment un noyau central à haute disponibilité et souvent à haut débit, le « backbone ». Ce sont généralement des sites importants (usines de production, centres de facturation, centre d’appels, entrepôts importants, centre de traitement informatique, etc.). Puis les sites de moindre importance mais très nombreux (agences commerciales de proximité, points de distribution quelconque comme les distributeurs de billets bancaire, magasins, etc.) sont raccordés au réseau « backbone » sur des points d’entrées que l’on appelera parfois des PoP (Point of Presence).

 

  • la topologie « any to any » ou « full-meshed » : tous les sites se voient entre-eux directement. Il n’existe pas de réels points de concentration. Cette topologie est très performante et très coûteuse, mais ce n’est pas ici le sujet. Donc un site peut atteindre n’importe quel site du réseau directement, il existe une route pour chaque site depuis chaque site.

 

Selon la topologie retenue, la méthode de routage pourra varier :

    • les topologies « hub and spoke » et « hiérarchique » se prêtent assez bien à un routage statique, dans le sens ou un site distant n’a finalement qu’une route possible vers un site de concentration pour atteindre un autre site.
    • pour les topologies « any to any » ou « full-meshed » un routage dynamique est plus adapté car il évite de devoir déclarer au sein de chaque routeur tous les autres sites existants. Lorsqu’on ajoute ou retire un site il est automatiquement déclaré ou retiré des tables de routage des routeurs des autres sites.
    • la topologie « backbone » est à la frontière : le noyau central profitera sans doute d’un routage dynamique qui permettra une reconfiguration automatique du « backbone » en fonction de la charge ou de l’indisponibilité de certains liens. Les sites distants (dits capillaires ou périphériques) seront programmés en routage statique car ils n’ont qu’un point possible de sortie, leur point de raccordement au « backbone« .

La topologie du réseau est donc un critère très important pour déterminer si le routage doit être dynamique ou statique.

Performances et capacités des routeurs ?

Ce dernier point peut influer sur le choix du routage. En effet dans les réseaux de grande taille il y a beaucoup de réseaux IP déclarés. Un réseau IP correspond à une destination et donc à une entrée dans une table de routage.

Dans le cas d’un routage dynamique, la table est construite sur les informations reçues par le routeur dans les « updates » émis par d’autres routeurs. A réception de ces mises à jour, le routeur compile et interprète les informations, calcule les routes, crée une base de données interne et en extrait une table de routage. Ces opérations mobilisent donc des ressources mémoires et CPU dans le routeur. Plus le réseau est grand plus il faudra de ressources à chaque routeur. En fait un routeur aura une limite de table de routage en fonction de son dimensionnement mémoire et de ses capacités de traitement.

Dans le cas d’un réseau en topologie « backbone », comme décrit précédemment, on peut concevoir que les routeurs du « backbone » soient de type haut de gamme et présentent donc des performances suffisantes. Mais il serait inconcevable d’installer de tels routeurs pour les sites périphériques, le coût du réseau serait prohibitif. On installera donc des routeurs plus petits et on implémentera un routage statique en direction du « backbone ».

Préconisations qui n’engagent que moi !

Chaque réseau est un cas ! J’ai ici listé quelques grandes lignes mais il y en a encore beaucoup d’autres. Par exemple, pour mettre en oeuvre certains mécanismes d’encapsulation ou de secours vous serez également peut-être obligé de mettre en place un routage dynamique. Mais puisque j’ai pris le risque de vous tracer quelques pistes de réflexion, autant continuer en vous proposant quelques préconisations :

  • La plus importante : Essayez, tant que possible, de mettre en place du routage statique. Le dynamique est au final souvent plus lourd et sournois à gérer qu’un bon routage statique.
  • Un bon plan de routage, c’est d’abord un bon plan d’adressage ! Si vous avez su créer un plan d’adressage cohérent (réseau et sous-réseau) qui permette d’agréger les adresses en fonction de zones dans le réseau (notamment dans le cas d’une topologie hiérarchique), vous vous simplifiez la vie pour la mise en place d’un routage statique. Une entrée statique dans un routeur pourra désigner un ensemble de réseaux, vous limitez donc le nombre d’entrées dans les tables de routage, et c’est très bien !
  • Une politique de routage peut être mixte dans un réseau, ne l’oubliez pas ! Une partie peut être en dynamique, l’autre en statique. Privilégiez le statique sur la périphérie du réseau où sont placés des routeurs d’entrée de gamme, et implémentez sur les zones sensibles vraisemblablement maillées un routage dynamique.
  • Essayez au maximum d’utiliser la route par défaut statique. Cette technique permet en une seule entrée dans la table de routage d’un routeur de résumer toutes les routes ! Par exemple, lorsqu’un routeur n’a qu’un point de sortie possible (pas de maillage) comme c’est souvent le cas pour les routeurs d’agences en périphérie de réseau, une route par défaut vers son point de sortie (ou son point d’entrée dans le réseau « backbone », comme vous voulez !) est tout à fait judicieuse.

En résumé, n’utilisez le routage dynamique que lorsqu’il est absolument indispensable, car :

  • un protocole de routage génére du trafic supplémentaire qui peut ne pas être négligeable selon le protocole utilisé et la taille des tables de routage.
  • un protocole de routage oblige parfois à surdimensionner les routeurs (versions logicielles, mémoires, gammes de routeurs) par rapport à une solution statique
  • un routage dynamique est parfois difficile à contrôler notamment lorsque l’on veut mettre en place des solutions de filtrages pour rendre certaines parties du réseau inacessible à d’autres. Alors qu’en statique il suffit de ne pas déclarer auprès de certains routeurs, les réseaux qu’ils n’ont pas le droit de voir.

Par contre, utilisez un routage dynamique, si vous souhaitez :

  • réaliser un partage de charge entre différentes routes dans votre réseau
  • mettre en place une architecture « any to any » où chaque site connaît tous les autres sites
  • mettre en place un réseau « plug and play », qui permet d’immédiatement informer tous les autres sites du rajoût ou du retrait d’un site dans le réseau
  • mettre en place certaines solutions de secours

Conclusion du chapitre

Pas si simple n’est-ce pas ? Le concept « statique / dynamique » n’est pas complexe, mais pour faire un choix, un peu d’expérience est nécessaire ! Ce chapitre ne présente pas de réelles difficultés techniques et peut sembler un peu long pour un concept aussi simple, mais c’était l’occasion rêvé pour « décoller » de la gangue technique et aborder les choses d’un point de vue conceptuel. J’espère que vous vous êtes éclaté !

Dans le chapitre suivant, nous allons continuer un peu sur la voie du concept en abordant les notions « fumeuses » de routage interne et externe … Courage ce n’est pas si dur …

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