IGP, EGP et AS

Constats et objectifs

Pour aborder (sereinement !) les notions de routage interne et externe, il est important de comprendre les trois constats suivants :

  • Nous avons précédemment exposé que le nombre de réseaux IP dans un réseau donné avait une influence sur la taille des tables de routage des routeurs. S’il faut une entrée dans chaque table pour chaque réseau IP destination, dans le cas de grands réseaux les tables sont très lourdes.
  • Prenons le cas du réseau Internet ! De quoi est-il formé ? Il est le résultat de l’interconnexion de millions de réseaux clients et opérateurs qui réalisent ainsi une toile mondiale d’interconnexion (L’araignée … L’araignée …). Mais chacun de ces réseaux qui forment LE réseau est soumis à une entité administrative distincte (Si ! Si ! Internet n’est absolument pas géré par un seul mec ! … Heu … ou femme !). Chaque administrateur réseau gère le routage et les configurations dans sa bulle, son réseau. Il y a même des ressources à l’intérieur de ce réseau qu’il ne veut surtout pas publier à l’extérieur !
  • Vous le savez (mais ne savez pas encore comment !), un protocole de routage dynamique calcule un coût pour chaque route dans le réseau. Ce coût peut prendre en compte différents paramètres comme la plus petite bande passante de la route, le nombre de routeurs à traverser, la nature des supports utilisés, leur charge etc. Chaque protocole de routage a sa propre méthode de calcul de coûts et défini un niveau de coût où il considère la route comme non valable et déclare donc la destination inaccessible. Or dans le cas de très grands réseaux on pourrait facilement atteindre cette limite de coût. Par exemple pour RIP, le coût d’une route est calculé sur le nombre de routeurs à traverser pour atteindre la destination. Et RIP donne une limite de 15 traversées de routeurs, au-delà la destination est inaccessible.

Ces trois constats amènent donc à rechercher une solution de routage :

  • qui permettent de créer dans un réseau des zones « privés », regroupant un ensemble de réseau IP et routeurs d’interconnexions associés dont la responsabilité d’exploitation est assurée par une seule et même entité administrative.
  • qui permettent la mise en place d’un macro-routage interzone au-dessus du routage interne à chaque zone afin de diminuer le nombre de réseaux déclarés et les coûts de routes..
  • qui permettent à une zone de ne déclarer qu’une partie des réseaux la constituant. Ainsi seuls les réseaux déclarés sont atteignables depuis d’autres zones.

La notion de routage interne et externe permet de répondre à ces objectifs.

AS, IGP et EGP …

Le principe est simple :

  • on divise un grand réseau en différentes zones, les AS : Autonomous System. Un AS est constitué de réseaux IP, de réseaux physiques (LAN ou WAN) et de routeurs. Il existe des routeurs de bordure qui permettent d’entrer et sortir de l’AS et des routeurs internes à l’AS. L’ensemble de ces réseaux et routeurs est administré par une même entité (un même opérateur, un même client, etc.)
  • au sein de chaque AS on implémente des protocoles de routage qui permettent aux routeurs internes à l’AS et aux routeurs de bordure de l’AS de construire leurs tables de routage. Ces tables, bien sûr, ne connaissent que les réseaux IP internes à l’AS. Ces protocoles sont appelés des IGP : Interior Gateway Protocol.
  • les routeurs de bordures des différentes AS sont interconnectés entre eux et échangent des informations sur le contenu des AS grâce à un protocole de routage. Ce protocole permet de contrôler parfaitement les informations transmises. Un AS n’aura donc pas forcément connaissance de tous les réseaux existants dans un AS voisin. Ces protocoles de routage sont appelés des EGP : Exterior Gateway Protocol.

AS qui es-tu ?

Tout d’abord soyons clair ! On n’implémente pas des AS dans un réseau de 10 sites ou même de 100 sites. Le découpage d’un réseau en AS se programme sur des réseaux de grandes tailles et proposant un découpage cohérent en terme de topologie, par exemple :

  • un réseau d’opérateur de large envergure : le réseau est considéré comme un réseau « backbone » mutualisé régit par ces propres règles de routage internes. Il s’agira d’y connecter des clients ayant éventuellement des réseaux internes obéissants à leurs propres règles de routage. Dans ce cas, le « backbone » opérateur sera défini dans un AS et chaque site ou réseau client raccordé sera dans un AS qui lui sera propre. Le site ou réseau client transmettra ses informations de routage au routeur d’accès du « backbone » par un EGP.
  • un réseau « grand compte » de couverture mondiale, sur lequel on définira peut-être une zone Asie, une zone Afrique, une zone Europe, etc.
  • et bien sûr le réseau Internet (sincèrement ! Où un découpage en zone serait-il plus adapté ???) ! Mais avec Internet tout se complique ! Dans les deux précédents exemples au final il y avait une seule et même entité administrative (l’opérateur ou le grand compte) pour gérer tous les AS du réseau. Avec Internet, ce n’est plus le cas. De la même manière qu’il a fallu normaliser le plan d’adressage IP, il a fallu normaliser le nom des AS afin d’éviter des conflits de « macro-routage » !

Donc un AS possède un identifiant unique au sein d’un même réseau (Internet par exemple). Cet identifiant est sous le forme d’un numéro de quatre digits (AS 6560 par exemple). Ceci permet donc de définir 9999 AS au sein d’un même réseau (largement suffisant). L’AS 0 est réservé comme AS par défaut (équivalent à l’adresse IP par défaut 0.0.0.0).

Pour Internet la gestion des numéros d’AS est centralisé par l’InterNIC (Network Information Center). Si vous envisagez de connecter votre réseau à Internet et d’offrir de participer à son routage (routage inter-AS), il vous faudra impérativement faire une demande de numéro d’AS normalisé. Mais dans la grande majorité des cas, vous bénéficierez du numéro d’AS de votre prestataire de raccordement (chaque opérateur, fournisseur d’accès Internet a son numéro d’AS).

IGP et EGP, qui êtes-vous ?

Nous venons d’affirmer que les protocoles de routage se divisent donc en deux familles, les IGP et les EGP.

  • Les IGP assurent le routage interne à un AS. Les IGP émettent généralement leurs mises à jour dans des paquets IP en diffusion. L’adresse de destination des paquets est de type « broadcast » (255.255.255.255) ou de type multicast (224.0.0.6 par exemple). En général il n’y a pas de connexions établies entre les routeurs. Les « updates » sont émis sur toutes les interfaces du routeur émetteur vers tous les routeurs adjacents. ATTENTION : je fais ici état d’un process générique, mais certains protocoles apportent des exceptions, ou même au-delà des protocoles certaines fonctions plus élaborées sont offertes par différents constructeurs.
  • Les EGP assurent le routage entre les AS. Ils émettent des mises à jour à des voisins identifiés en établissant une connexion (généralement TCP) avec eux. Les mises à jour ne sont pas diffusées vers tous les routeurs mais routeur à routeur. Les informations transmises sont filtrées et peuvent comporter des attributs de routage complexes dépendant du protocole utilisé.

Quelques exemples de protocoles :

Protocole
Description
Les IGP

RIP

Routing Information Protocol (version 1 & 2) :Le plus ancien, le plus simple mais encore très utilisé !

IGRP

Interior Gateway Routing Protocol : Protocole propriétaire Cisco, mais comme Cisco est très implanté dans le monde du réseau, on le trouve très souvent.

E-IGRP

Extended-IGRP : Apparut avec la version logicielle 11 de Cisco, il supplante peu à peu l’IGRP. Il offre des fonctions plus élaborées.

OSPF

Open Shortest Past First : Un « must », très complet, très performant, très élaboré, mais très compliqué et consommateur de ressources dans les routeurs. On le réserve généralement à de grands réseaux.

IS-IS

Interior System to Interior System : le seul IGP normalisé OSI. A ma connaissance, il est assez peu utilisé. Je ne le connais pas en détail.
Les EGP

EGP

Exterior Gateway Protocol : le premier, le plus ancien, pas très performant. Il est de plus en plus abandonné.

BGP

Border Gateway Protocol : dans sa version 4, il supplante largement tout autre EGP. BGP4 est implémenté sur Internet entre-autre. Il offre des fonctions de routage très élaborées.

ES-IS

Exterior System to Interior System : comme IS-IS, le seul EGP normalisé OSI, mais très peu utilisé à ma connaissance.

Conclusion du chapitre

Voilà ! Nous avons fait le tour du concept, je pense. Il n’y a grand chose de plus à dire sans entrer directement dans la théorie protocolaire, ce que nous aurons sans doute l’occasion de faire ultérieurement.

Dans le chapitre suivant, nous allons continuer encore un peu sur la voie de la théorie en essayant d’expliquer sommairement les différences entre protocoles à vecteurs de distance et protocoles à états de liens. Prenez peut-être deux minutes pour un café, avant !

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